4.13 Caryl Férey : Saga Maorie
Caryl Férey a grandi en Bretagne, une terre qu'il aime pour ses côtes déchiquetées, ses concerts dans les bistrots et ses tempêtes.
Grand voyageur, il a parcouru l'Europe à moto, puis a fait un tour du monde à 20 ans. Il a notamment travaillé pour le Guide du Routard.
En 1994, paraît chez Balle d'Argent son premier roman Avec un ange sur les yeux. Il sort la même année son premier polar, puis quatre ans plus tard le très remarqué "Haka".
Il écrit aussi pour les enfants, pour des musiciens, le théâtre et la radio. Il se consacre aujourd'hui entièrement à la littérature.
Il a obtenu le Prix SNCF du polar 2005 pour "Utu" et le Grand prix de littérature policière 2008 pour "Zulu".
En 2009, il obtient le prix Jean Amila au Salon du livre d'expression populaire et de critique sociale d'Arras pour "Zulu".
Titre : Haka
Auteur : Caryl Férey
Edition : Folio Policier
Résumé :
D'origine maorie, Jack Fitzgerald est devenu flic à Auckland avec l'espoir de retrouver sa femme et sa fille, mystérieusement disparues.
Secondé par une jeune criminologue tout aussi acharnée, il trouvera sur sa route une effroyable série de cadavres liés - ou non ? - à des rites ancestraux, mais surtout la vérité sur les fantômes qui le hantent...
Critique :
On peut dire que le flic Jack Fitzgerald est à la Nouvelle-Zélande ce que le commissaire Erlendur Sveinsson est à l'Islande...
Le parallèle est facile face à deux flics non-conventionnels, ayant souffert tous deux d'une disparition, n'hésitant pas à tutoyer la dive bouteille et menant leurs enquêtes d'une manière un peu particulière et bien à eux.
La différence étant que Jack, métis maori, est aussi un cocaïnomane (et il ne se contente pas d'une solution à 7%, lui !) et que, pour calmer ses rages, il utilise ses poings pour cogner la racaille et autres truands qui lui tombent sous la main. Les interrogatoire, avec lui, c'est sans l'avocat mais avec le tabassage compris dans le prix ! Bon, il a la carrure qui le lui permet aussi.
C'est vous dire que le cas de Fitzgerald est grave et tout à fait désespéré ! Pourtant, j'ai bien aimé ce flic torturé qui n'hésite pas à alpaguer les malfrats par le collet. Quand il fait de même avec des témoins potentiels, ça l'fait moins...
Et voilà que pour lui changer les idées, nous avons une jeune fille retrouvée sur la plage avec - âmes sensibles, veuillez m'excuser - le pubis tranché et le petit triangle rose jeté négligemment plus loin... Gloups !
L'enquête policière de Fitzgerald est remplie de violence et dedans se greffera le passé culturel de la Nouvelle-Zélande, omniprésent dans le roman, nous livrant quelques informations intéressantes, mais avec parcimonie.
Les Maoris ne sont jamais loin et certaines de leurs anciennes coutumes ont de quoi vous couper l'appétit.
Ce roman est sombre, glauque, noir, oppressant, sordide, lugubre,... avec quelques métaphores dans un style d'écriture qui m'a fait penser à Frédéric Dard, mais la comparaison s'arrêtera là.
Moi qui aime, lors de mes lectures de policier, recevoir une bonne claque - pas une claquounette du genre "Fifty shades" avec les formules de politesse - voire un bon coup de pied au cul, je vous avoue que je viens d'être servie au-delà de mes espérances !
J'en suis encore toute retournée ! Encore un peu, le livre m'en tombait des mains.
Les révélations du final sont délirantes, mais pas fantaisistes et j'avais la mâchoire qui béait durant la lecture des dernières pages.
Je dois vous avouer que mon esprit un peu sadique avait émis une théorie sur la disparition un peu trop brutale de la femme et de la fille de Jack et que ma perversité m'avait fait glousser un "tiens, ce serait drôle si..." et puis l'idée un peu folle m'était sortie de la tête et j'avais poursuivi ma lecture.
A un moment, dans ma lecture, j'ai même pensé que je m'étais trompée de personne.
Que nenni ! Mon esprit pervers était bien sur la même longueur d'onde que celui de l'auteur et, bien que j'y ai pensé au début de ma lecture, le fait de lire noir sur blanc, et bien, les bras m'en sont tombés.
Je croyais en avoir fini avec les rebondissements mauvais pour le coeur, vu ce que je venais de me prendre dans la face, mais l'auteur n'en avait pas fini avec moi.
- P***** de b***** de D*** ! me suis exclamée, le souffle court et les yeux hagards (du Nord).
Ce roman, "C'est extraaaa" comme le chantait Léo Ferré, qui n'est pas le cousin de Caryl Ferey ni celui de la gaufrette croustillante à laquelle, dès son appel, on vient au galop.
En tout cas, ce livre porte bien son nom : "Haka" qui veut dire "la danse de la mort"...
Ben, il ne restait pas grand monde pour exécuter quelques pas de danse...
Tiens, "exécuter", que voilà un jeu de mot foireux pour ce roman hallucinant.
A noter que dans ce double roman, il y a un chapitre inédit, uniquement disponible pour cette édition, sous forme de prologue à "Haka" et faisant le lien avec les deux romans.
Critique publiée dans le cadre du challenge "Thrillers et polars" organisé par Liliba.
Titre : Utu
Auteur : Caryl Férey
Edition : Folio Policier
Résumé :
Exilé en Australie, Paul Osbone apprend le suicide de son ami Fitzgerald : le chef de la police d'Auckland aurait abattu un chaman maori soupçonné de meurtres atroces, avant de se donner la mort.
Or, non seulement le cadavre du chaman n'a jamais été retrouvé, mais Fitzgerald n'était pas du genre à se suicider. Spécialiste de la question maorie, ancien bras droit de Fitzgerald, Osborne est chargé de remonter la piste.
Dans un climat social et politique explosif, épaulé par une jeune légiste fraîchement débarquée en Nouvelle-Zélande, Osborne devra affronter le spectre de Hanna, son amour d'enfance, mais surtout le utu des ancêtres du "pays aux longs nuages blancs".
Critique :
Ne devrait-on pas poursuivre l'auteur pour les actes de barbarie et de tortures qu'il commet envers ses personnages ? Parce que là, je dépose plainte, moi !
Déjà que dans le roman précédent "Haka", Fitzgerald, le flic alcolo et un peu drogué en avait pris plein son matricule (et les autres aussi), mais là, le suivant, Paul Osborne, en a ramassé encore plus (et les autres avec lui).
D'ailleurs, dans les deux romans de Férey que je viens de lire, tout le monde en a pris plein sa gueule !
Certes, bon nombre d'entre eux avaient des choses pas très nettes à se reprocher - hormis le labrador qui lui n'avait que des arrosages de réverbères sur la conscience - mais tout de même, c'est violent.
"Utu" veut dire vengeance en maori et cela ne concerne pas une petit vengeance minable du genre "saler le café de l'autre". A ce jeu là, certains jouent gros, très, très gros.
Dans cette "suite", nous avons Paul Osborne, flic encore plus atypique que son supérieur Fitzgerald. Il était son second avant de démissionner. Là, on vient de le rappeler au travail et ça ne fait pas plaisir à tout le monde.
Si le premier était déjà alcoolo, torturé, un peu drogué, l'autre, c'est le même mais puissance 10 ! Fitzgerald n'était pas un tendre, Osborne le dépasse et fait bien pire que lui.
Plus salopard et dépravé que lui, faut se lever tôt pour le trouver, ou alors, ce genre de type est du côté des Méchants, pas des Gentils.
Afin d'éviter tout débordement, un flic nommé Culhane est chargé de le baby-sitter. Comme si on pouvait surveiller et gérer la bombe à retardement qu'est Osborne ! Il est hanté par un ancien amour, torturé, malaxé et c'est cette touche qui fait que, malgré tout, on apprécie ce "foutu salopard". Bien que sur certains faits, je l'ai détesté, avant de me dire que, tout compte fait... si un salopard tombe sur plus salopard que lui...
Comme pour "Haka" dont on pourrait dire que "Utu" est la presque suite, sans l'être vraiment, l'auteur nous parle de la minorité opprimée que sont les maoris.
Bien au courant de la chose, il nous plonge dans leurs revendications, dans toutes les exactions commises par l'Homme Blanc, il nous parle de leurs traditions anciennes et la révolte qui gronde car le maori doit s'intégrer ou crever.
Férey nous dépeint avec acidité une jeunesse dorée qui est pourrie jusqu'au trognon, nous montre des notables véreux prêt à tout pour le fric et une communauté maorie sacrifiée sur l'autel de la modernité, de l'argent sale, du business...
Sans oublier quelques scènes "crues" dans un bar pour échangistes... fréquenté par les Huiles de la ville, of course.
Ici, le récit est plus fractionné que dans le précédent puisque nous avons une partie de l'enfance et de la jeunesse de Osborne ainsi que quelques scènes de vie de son "baby-sitter", Culhane, qui prendront tout leur sens ensuite.
Devenu un flic ripoux parmi des plus pourris que lui, son enfance nous permet de comprendre sa quête de justice (selon sa définition à lui) et de vengeance.
Et une fois de plus, l'auteur en m'a pas déçu dans son final. J'ai ouvert grand mes yeux pour certaines explications auxquelles je n'avais pas pensées.
Vous l'aurez sans doute compris, avec "Utu", je viens de me prendre un second coup de pied dans le cul, une claque magistrale, comme administrée par l'intégralité des All-Blacks.
Si vous aimez les Bisounours et les poneys roses, je vous en conjure, passez votre chemin ! La tendresse est inexistante dans ce roman.
Les cadavres, tout comme les feuilles mortes, se ramassent à la pelle. En deux romans, Férey a commis un génocide de personnages.
Ma seule critique sera pour la fin que je trouve trop ouverte. J'aurais aimé que l'auteur nous en donne un peu plus, ne fut-ce que pour savoir si Osborne allait enfin liquider ses vieux démons ou non... et puis, je suis fâchée parce que Férey a zigouillé une personne que j'aimais beaucoup.
Bon, je vais lire "Picsou Magazine" afin de remettre mes idées en place et d'avoir un peu de douceur après cette saga Maorie. Là, c'est sûr, je vais décommander mes futures vacances en Nouvelle-Zélande... M'est avis que l'Office du Tourisme a moyennement apprécié les deux romans.
Critique publiée dans le cadre du challenge "Thrillers et polars" organisé par Liliba.
Titre : Zulu
Auteur : Caryl Férey
Edition : Folio Policier
Résumé :
Enfant, Ali Neuman a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l'Inkatha, en guerre contre l'ANC, alors clandestin. Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce
qu'elles lui ont fait...
Aujourd'hui chef de la police criminelle de Cape Town, vitrine de l'Afrique du Sud, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs : la violence et le sida, dont le pays, première démocratie
d'Afrique, bat tous les records.
Les choses s'enveniment lorsqu'on retrouve la fille d'un ancien champion du monde de rugby cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch.
Une drogue à la composition inconnue semble être la cause du massacre. Neuman qui, suite à l'agression de sa mère, enquête en parallèle dans les townships, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur, sans savoir où ils mettent les pieds...
Si l'apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l'ombre de la réconciliation nationale...
Critique :
Ma petite virée en Afrique du Sud avec l'agence de voyage Férey s'est soldée par une envie folle de ne jamais y mettre les pieds, comme en Nouvelle-Zélande, d'ailleurs. Grâce à lui, je
raye des pays entiers de la carte.
Une fois de plus, grâce à cet auteur, je termine une lecture exsangue, essoufflée, dégoûtée (pas de l'auteur) et avec l'impression que je suis seule, tout le monde étant raide mort
tout autour de moi...
Férey, c'est la lecture coup de poing ou coup de pied au cul; Férey, ce sont les cadavres disséminés un peu partout dans les pages; Férey, se sont les policiers un peu borderline dont
les veines et tout le corps charrient la souffrance à l'état brut, Ali Neuman étant le parfait prototype, lui qui a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l'Inkatha, en guerre
contre l'ANC, alors clandestin.
Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu'elles lui ont fait... C'est vous dire toute l'horreur !
Férey, c'est une entrée en matière canon, directement dans le bain... de sang. Violences, assassinats, tortures, bref, tout ce que l'homme peut offrir de pire, tout ce qu'un
régime totalitaire ou des mercenaires ont à vous offrir : la mort dans d'atroces souffrances et si vous vivez, c'est dans un état... infernal.
Férey, il nous parle des ethnies, des minorités, qu'elles soient maories ou zoulous. Une visite d'un pays comme vous n'en auriez jamais fait de votre vie.
Férey, il ne survole pas les personnages ou les lieux, il les pénètre et vous le suivez dans l'enfer.
Bien que j'ai une nette préférence pour "Haka", j'ai passé un bon moment de lecture avec Zulu (si on peut dire ça ainsi). D'ailleurs, j'ai dû réviser mon Histoire de l'Afrique du Sud,
sinon, j'aurais été perdue.
Quel livre, quelle descente en enfer. On a beau se dire que c'est une fiction, les faits ne sont pas inventés, les problèmes politiques, ethniques, sécuritaires,... de l'Afrique du Sud
sont réels et on nous met le nez dedans.
Sueurs froides garanties... "Plus jamais ça !" qu'ils disaient. Tu parles !
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme" et on ne le répétera jamais assez.
Il ne me reste plus qu'à m'envoler pour l'Argentine avec lui... non, pas tout de suite, un peu de lecture jeunesse me fera le plus grand bien.
Si tu aimes les romans noirs très noirs, lis "Zulu".
Si tu n'as pas peur de ce que tu pourrais découvrir sur l'être humain... Lis Zulu !
Si tu n'as pas peur de t'immiscer dans une Afrique du Sud post Mandala, post apartheid, post guerre des Boers, totalement corrompue et plus qu'infectée par la violence, la drogue, les meurtres, le sida, plus d'autres trucs louches... Lis Zulu !
Sinon, voilons-nous la face.
Critique publiée dans le cadre du challenge "Thrillers et polars" organisé par Liliba.
Titre : Mapuche
Auteur : Caryl Férey
Edition : Gallimard Série Noire
Résumé :
Jana est Mapuche, fille d un peuple indigène longtemps tiré à vue dans la pampa argentine. Rescapée de la crise financière de 2001-2002, aujourd hui sculptrice, Jana vit seule à Buenos Aires et, à vingt-huit ans, estime ne plus rien devoir à personne.
Rubén Calderon aussi est un rescapé, un des rares «subversifs » à être sorti vivant des geôles clandestines de l'École de Mécanique de la Marine, où ont péri son père et sa jeune soeur, durant la
dictature militaire.
Trente ans ont passé depuis le retour de la démocratie. Détective pour le compte des Mères de la Place de Mai, Rubén recherche toujours les enfants de disparus adoptés lors de la dictature, et
leurs tortionnaires...
Rien, a priori, ne devait réunir Jana et Rubén, que tout sépare. Puis un cadavre est retrouvé dans le port de La Boca, celui d'un travesti, « Luz », qui tapinait sur les docks avec « Paula », la
seule amie de la sculptrice.
De son côté, Rubén enquête au sujet de la disparition d une photographe, Maria Victoria Campallo, la fille d un des hommes d affaires les plus influents du pays.
Malgré la politique des Droits de l'Homme appliquée depuis dix ans, les spectres des bourreaux rôdent toujours en Argentine. Eux et l'ombre des carabiniers qui ont expulsé la communauté de Jana de leurs terres ancestrales...